Jean-Pierre Jouyet et François Fillon

Jean-Pierre Jouyet et François Fillon

24 juin 2014 – C'est dans un salon privé du Pavillon Ledoyen que se rencontrent les trois hommes. Oui car ils sont trois : François Fillon et Jean-Pierre Jouyet (secrétaire général de l'Élysée) bien sûr, mais aussi Antoine Gosset-Grainville (ancien directeur adjoint du cabinet de François Fillon à Matignon, et proche et ancien bras droit à la Caisse des dépôts de Jean-Pierre Jouyet) que l'on a tendance à trop souvent oublier. Ces hommes avaient fait partie du gouvernement Fillon, Jouyet en tant que secrétaire d'État aux Affaires européennes entre mai 2007 et décembre 2008.
Aucun des trois hommes ne nient la rencontre, Jean-Pierre Jouyet affirme que l'initiative de la rencontre venait de François Fillon, mais celui-ci comme Antoine Gosset-Grainville soutiennent le contraire. Mais le problème ne situe pas là.

Avançons un peu dans le temps, au jeudi 6 novembre 2014 L'Obs publie des extraits du livre Sarko s'est tuer de Fabrice Lhomme et Gérard Davet, deux journalistes du Monde. Dans cet ouvrage, un passage fait particulièrement polémique: lors d'un déjeuner le 24 juin 2014 François Fillon aurait demandé à Jean-Pierre Jouyet d'accélérer les procédures judiciaires visant Nicolas Sarkozy : « Mais tapez vite, tapez vite! Jean-Pierre, tu as bien conscience que si vous ne tapez pas vite, vous allez le laisser revenir. Alors agissez! », aurait dit l'ex-Premier ministre, selon Jean-Pierre Jouyet dans un entretien qu'il aurait passé avec les journalistes du Monde.

Dans un premier temps le secrétaire général de l'Élysée dément la rencontre, mais les journalistes, eux, maintiennent leur informations et annoncent même, le samedi 8, posséder l'enregistrement d'un entretien datant du 20 septembre dernier avec Jean-Pierre Jouyet, ils l'auraient enregistré avec son accord selon eux. Le dimanche 9 Jouyet change soudainement de version, il déclare à son tour que la rencontre avec Fillon à bien eut lieu mais aussi qu'ils ont en effet parlé de l'affaire Bygmalion et des procédures touchant Nicolas Sarkozy et qu'il a assuré à l'ancien Premier ministre que l'Élysée « ne pouvait rien s'agissant de cette procédure relevant de la justice ».
De son côté
François Fillon nie en bloc, il y a bien eut une rencontre mais il n'a jamais demandé une quelconque intervention de la part de l'Élysée pour accélérer les enquêtes judiciaires visant Nicolas Sarkozy et ainsi contrer son retour en politique. Il affrime donc que Jouyet ment.
Il est intéressant de constater que Antoine Gosset-Grainville, le troisième protagoniste va dans le sens de François Fillon, il affirme de son côté que l'entretien « n'a pas porté sur des questions de politique nationale, encore moins sur les affaires de l'UMP» et qu'«à aucun moment François Fillon n'a sollicité la moindre intervention de la part de Jean-Pierre Jouyet sur un quelconque sujet politique ».

Antoine Gosset-Grainville

Antoine Gosset-Grainville

François Fillon a décidé de porter plainte pour diffamation contre les deux journalistes du Monde et, selon son avocat, il va aussi engagé une action en référé pour obtenir un copie intégrale de l'enregistrement de Jean-Pierre Jouyet. Il menace aussi de porter plainte pour diffamation contre Jouyet si celui se ne dément pas l'information.

La vérité est ici difficile a déceler, c'est parole contre parole. Pourtant, objectivement, la balance aurait plutôt tendance à pencher en faveur de François Fillon car il a le soutien du témoin de la rencontre et parce que Jean-Pierre Jouyet s'est un peu décrédibiliser en changeant de version. On ne peut pas pour autant affirmer que l'un à raison et l'autre à tort, il est encore trop tôt pour le dire.

 

Par contre on peut se poser des questions sur les méthodes utilisées par les journalistes Fabrice Lhomme et Gérard Davet pour obtenir leurs informations. En effet, comment ont-ils été mis au courant du déjeuner du 24 juin entre les trois hommes, pour pouvoir ensuite interroger Jouyet dessus ?

De plus le journal de droite Valeurs Actuelles avait dénoncé, il y a peu, le fait que les deux journalistes en question aient pu avoir des rendez-vous secrets à l’Élysée, à la Chancellerie et au Pôle financier (alors que ce dernier n'en accorde pas aux journalistes) sûrement afin d'avoir des informations sur Nicolas Sarkozy et les différentes affaires qui le touchent. Quelques jours après ces présumés rendez-vous les journalistes ont publiés deux enquêtes sur l'affaire Bygmalion accusant Sarkozy. Valeurs Actuelles estime que ce n'est pas une coïncidence et que les deux journalistes auraient bénéficié d'un violation du secret de l'instruction et de l'aide de certains juges cherchant à nuire au retour de l'ancien Président de la République.

Fabrice Lhomme et Gérard Davet

Fabrice Lhomme et Gérard Davet

Par la suite plusieurs parlementaires UMP et UDI ont saisi le procureur de Paris sur les violations du secret de l’instruction dont bénéficieraient les deux journalistes du Monde, Gérard Davet et Fabrice Lhomme. Plusieurs questions sont posées : Comment les deux journalistes ont-ils eu connaissance des procès-verbaux d’auditions menées dans le cadre d’une enquête en cours ? […] Comment ont-ils été informés de l’enquête réalisée, selon leurs propres termes, « dans la plus grande discrétion » par la justice ? Pourquoi l’ont-ils été fort opportunément en octobre 2014 alors que l’enquête a commencé « depuis le printemps 2012 » ?

Les parlementaires estiment que « la coïncidence de leurs visites auprès des autorités judiciaires et de plus hautes autorités de l’État dans les jours précédant la publication de ces articles entraîne de forts soupçons de violations multiples du secret de l’instruction ». Et ils demandent « d’ordonner d’office une enquête préliminaire pour déterminer l’origine de violations répétées des secrets de l’enquête et de l’instruction ».

L'affaire Jouyet-Fillon cache, peut être, un problème plus important que l'on pourrait le penser.

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