Projet de loi sur le renseignement : entre soutien et opposition

L'examen du projet de loi sur le renseignement a commencé hier et le vote aura lieu le 5 mai prochain.

 

Quel est l'objectif de cette loi ?

Ce projet de loi prévoit de renforcer et de moderniser les moyens de surveillance, notamment en ce qui concerne le numérique et les internautes. L'objectif est évidemment de prévenir des menaces terroristes au lendemain des événements de Charlie Hebdo  mais aussi de prévenir toute action criminelle. Ce projet de loi concerne aussi les « intérêts majeurs de la politique étrangère » et les « intérêts économiques ou scientifiques essentiels ».

En fait cette loi permettra de légaliser des pratiques illégales mais déjà utilisées par les services de renseignement. Selon Jean Jacques Urvoas, député PS et président de la commission des lois à l'Assemblée : « Notre pays est la dernière démocratie occidentale à ne pas être dotée d'un cadre légal régissant les pratiques des services de renseignement ».

Concrètement les services de renseignement pourront directement récupérer de informations sur des individus en passant par les opérateurs télécoms, les réseaux sociaux, les hébergeurs de sites, les contenus des mails, les conversations par Skype...
La loi prévoit aussi la pose de micros dans les lieux privés, de mouchards et de « boites noires » qui analyseront les connexions internet des particuliers avec des algorithmes afin de détecter des comportements suspects.

Enfin cette loi prévoit aussi de mettre en place une autorité indépendante : la Commission nationale de contrôle des techniques de renseignement (CNCTR) qui sera composée de deux députés, deux sénateurs, deux membres du Conseil d'État, deux magistrats et d'un expert en matière de communications électroniques. Cette commission a pour but de contrôler la surveillance et permettra à tout citoyen de la saisir s'il pense être surveillé par les services de renseignement. 

 

Un projet soutenu.

Ce projet de loi est soutenu par le Ministère de l'Intérieur, le gouvernement et le groupe PS au Parlement évidemment. Mais le groupe UMP a aussi annoncé qu'il voterait en faveur de ce projet de loi présenté en procédure accéléré. Hier le Premier Ministre est venu lui-même défendre ce projet de loi (l'intervention de Manuel Valls ici).

Enfin, en janvier, peu après les attentats à Paris, un sondage montrait que 71 % des Français sont favorables à la « généralisation des écoutes téléphoniques sans accord préalable d’un magistrat ».

 

Mais qui rencontre aussi de nombreuses oppositions.

Selon de nombreuses personnes venant de la société civile cette loi pourrait être une atteinte aux libertés individuelles.

Il y a des associations de « défense des libertés » qui protestent, comme la Quadrature du Net, la Ligue des droits de l'Hommes, Amnesty International ou encore Reporter sans frontières, qui craignent donc une limitation des libertés. Le syndicat de la magistrature et le syndicat des avocats de France s'ont aussi opposé au projet de loi.

Projet de loi sur le renseignement : entre soutien et opposition

D'ailleurs hier a eu lieu une manifestation devant l'Assemblée Nationale contre ce projet de loi pour dénoncer « un texte présenté à tort comme une loi antiterroriste [...] qui donne aux services de renseignement des pouvoirs de surveillance massifs sans contrôle réel » et pour dénoncer le choix de la procédure d'urgence. Cécile Duflot faisait notamment partie des manifestants.

La Manif Pour Tous rejoint le camps des opposants, l'association estime que « La Manif Pour Tous va pouvoir être infiltrée légalement », que « des modes d'action jusqu'ici réservés à la lutte contre le terrorisme vont être distraits de leur vocation principale » et enfin que leur mouvement va « se trouv[er] catalogué dans les groupes à surveiller au même titre que les terroristes ou que tous ceux qui représentent un quelconque danger pour notre pays ».

D'un côté plus politique Hervé Morin, ministre de la Défense sous Nicolas Sarkozy, exprime lui aussi des inquiétudes vis-à-vis du texte. Il soulève plusieurs possibilités de dérive selon lui : « comment la commission peut procéder au contrôle et vérifier [... qu’un policier cocu n’utilise pas les services de renseignements pour des questions qui ne sont pas de cet ordre. », ou encore « Est-ce que tous ceux qui ont par exemple manifesté contre le mariage pour tous peuvent faire désormais l’objet d’une interception ? », on bien « Je veux être certain que les services de police et de renseignement ne procèdent pas du contrôle qui relève du contrôle politique. », et enfin il dit « Je vous rappelle que François Mitterrand, lui, ne s’était pas gêné pour le faire. » 

Enfin le Défenseur des droits, Jacques Toubon a annoncé avoir des « réserves sur certains points majeurs du texte ».

 

Un projet de loi qui fait couler beaucoup d'encre, donc. Cependant, devant la nécessité du combat contre le terrorisme, ce texte devrait être adopté sans problèmes au Parlement.

Si ce texte se charge d'intensifier la prévention, la justice, par ses sanctions, joue aussi un rôle préventif en plus d'être coercitif. Un enjeu important serait peut-être d'abord de mettre fin à la politique laxiste de Christiane Taubira en matière de justice avant de s'occuper des services de renseignement qui font déjà un bon travail. En effet il n'y a pas d'intérêt à renforcer l'action de ces services s'il n'y a pas l'application de sanctions derrière. Nous tenons d'ailleurs a rappeler que les auteurs des attentats de Paris en Janvier dernier étaient connus des services de police, pourtant ils étaient en liberté...

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